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Le Burundi Sous Administration Belge

Auteur: Tharcisse SONGORE

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Mandat et Tutelle Belges sur le Burundi(1919-1961)


L’arrivée des Belges

Dès 1914, les Belges établis au Congo voisin font la guerre aux Allemands occupant le Rwanda-Urundi. Au début de cette guerre, les combats se déroulent au Congo et au Rwanda. Sur le front nord, c’est à Kibati au Rwanda et à Luvungi au Congo, dans la région du Kivu que se déroulent les combats. Et c’est à Luvungi que le Résident allemand de l’Urundi-Schimmer-fut tué en 1915. Sur le front sud, les Allemands et les Belges se livraient des combats à partir de leurs bases respectives de Kigoma et Albertville(actuellement Kalémie).

De 1914 à 1916, les alliés anglais et belges mirent sur pieds d’importantes troupes comprenant 15.000 Congolais, 30.000 africains de l’est, 30.000 Afrikaners secondés par les Britanniques sous le commandement du Général belge Tombeur. Pendant ce temps, les troupes allemandes commandées par le Résident-Adjoint au Rwanda-le Major Wintgens-étaient retranchées au dessus de Gisenyi dans le nord-ouest du Rwanda et, faute de renforts, se préparaient militairement et politiquement à la retraite. Au Burundi, les Allemands s’inquiétaient d’une possible révolte des populations locales.

Les troupes alliées commencent par attaquer les Allemands au Rwanda du 21 avril au 6 juin 1916, puis elles entrent au Burundi au mois de juillet 1916. Les troupes venant de Nyanza, Résidence du Roi Musinga du Rwanda, prennent la Résidence allemande de Gitega, tandis que les troupes du sud (provenant d’Albertville) pénètrent dans la station militaire allemande d’Usumbura. Les deux unités convergent vers l’Est  et prennent Tabora le 20 septembre 1916.

Après le départ des Allemands, le Général Tombeur administre les territoires conquis au nom du Roi des Belges en tant que commandant des armées d’occupation. Outre le Ruanda-Urundi, les territoires occupés comprennent le territoire ougandais d’Ussuwi jusqu’au lac Victoria et englobent le district d’Ujiji dans la Tanzanie actuelle. L’administration militaire belge durera jusqu’au remplacement du Général Tombeur par un Commissaire Royal, le Général MALFEYT(photo ci-contre) le 31 janvier 1917.

Le Commissaire Royal MALFEYT (tenant un chapeau dans la main) à côté du jeune Mwami Mwambutsa (pagne noir à  pois blancs).

Bientôt le Commissaire Royal Malfeyt sera secondé par un conseiller juridique, le magistrat Alfred Marzorati, qui officiait au Congo et qui deviendra à son tour Commissaire Royal du Ruanda-Urundi jusqu’en 1929. Le 21 mars 1921, la Belgique renonce à l’administration des Territoires d’Ussui et d’Ujiji au profit des Britanniques.

Après avoir contribué à mater la recrudescence des rébellions contre le Roi Mwambutsa qui s’étaient manifestées après le départ des Allemands, les Belges estimèrent opportun de légitimer leur occupation en faisant signer un document-plébiscite par les régents du Mwami Mwambutsa alors âgé de trois ans. Ce document rédigé en Swahili fut signé en 1918 par les Chefs Nduwumwe, Ntarugera et Karabona.

Lors des négociations préalables au Traité de Versailles du 30 juin 1919, qui créa le régime des « mandats », il avait été convenu de placer sous le régime de « Mandat B » c’est-à-dire un territoire soumis à une gestion de type colonial avec métropole outre-mer, l’ancien territoire de l’Afrique Orientale Allemande, en le scindant en deux : le Tanganika Territory, actuellement Tanzanie cédé à l’Angleterre et le Ruanda-Urundi confié à la Belgique. Par l’accord du 18 mai 1919, les Belges cèdent aux Anglais le région burundaise du Bugufi au nord-est pour permettre à ces derniers de construire leur  chemin de fer « Cape-Caire ». Le projet ne fut jamais réalisé mais la région est restée sous la souveraineté tanzanienne.

C’est le 22 juillet 1922 que la Société des Nations(SDN) confia officiellement à la Belgique le mandat B sur le Ruanda-Urundi. L’acceptation de ce mandat ne fut officialisée que deux ans plus tard par une loi votée le 20 octobre 1924 par le Parlement et le Sénat belges. Rappelons que les Belges avaient pris le soin de se faire plébisciter par les régents du Royaume du Burundi en 1918.

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L’Organisation Administrative sous l’Occupation Belge

A leur arrivée, les Belges adoptent le système d’administration indirecte hérité de l’occupation allemande. C’est-à-dire qu’à la structure administrative traditionnelle constituée du Roi(Mwami), des Chefs(Baganwa) et des Sous-Chefs( Batware), les Belges superposent leur propre structure qui connaîtra quelques modifications au cours des 46 ans de leur présence au Burundi.

A partir du 21 août 1925, date à laquelle le Parlement belge vote une « loi-cadre » rattachant le Ruanda-Urundi à la colonie belge du Congo, le Ruanda-Urundi devient un Vice-Gouvernement du Congo Belge. Ainsi, à partir de cette date et pour longtemps encore, l’administrateur belge du territoire sous tutelle portait le titre de Vice-Gouverneur Général du Congo Belge et du Ruanda-Urundi, Gouverneur du Rwanda-Urundi.

La photo ci-contre montre le Vice-Gouverneur Général  Harroy passant en revue un détachement d’honneur de la Force Publique du Ruanda-Urundi à Bujumbura en 1958.

Il était secondé par le Résident de l’Urundi et le Résident du Ruanda, lesquels étaient épaulés, à leur tour, par des administrateurs territoriaux. Après la réforme administrative initiée en 1929, Le Burundi était organisé en   18 territoires, chaque territoire comprenant deux chefferies, entités politiques et administratives traditionnelles

La photo ci-contre montre le Roi Mwambutsa Bangiricenge, en compagnie du Résident Belge de l’Urundi, Mr Siroux qui était son équivalent dans la hiérarchie parallèle de l’autorité belge sur son pays.

Avec la colonisation, le rôle traditionnel des chefs consistant essentiellement à rendre hommage au Roi, à lever des armées pour défendre l’intégrité du Royaume en cas de guerre et à veiller à la coexistence harmonieuse de ses sujets,  notamment en tranchant les nombreuses palabres liées au bétail et aux propriétés foncières, ce rôle connu un changement fondamental. Désormais, les autorités traditionnelles doivent répondre aux besoins de l’administration coloniale en matière de collecte d’impôts, de recensement de la population, de mobilisation de la même population pour des travaux forcés(corvées) d’utilité collective ou individuelle.

Dès 1923, le Résident Pierre Ryckmans envisage une réforme de l’organisation administrative traditionnelle pour la rendre  plus efficiente dans la transmission des ordres et directives des agents administratifs belges à la population. La nécessité de cette réforme était dictée par le constat suivant : 

- le pays était morcelé en un grand nombre de chefferies sans limites géographiques définies( 133 chefferies en 1929),

- l’autorité de certains chefs s’étendait sur des domaines enclavés dans des territoires dépendant d’autres chefs,

- certains chefs étaient incompétents et inaptes. 

La réforme administrative aura donc pour objectif le regroupement des entités administratives en des entités plus larges, plus viables, limitées par des repères topographiques naturels : rivières, sommets de colline etc. . La réforme va également destituer les chefs incompétents et/ou indignes.

En 1929, le réforme administrative fut en tête du programme politique des autorités belges. Si les critères de regroupement des chefferies étaient bien définis et objectivement vérifiables, certains des critères qui devaient conduire au maintien, à la promotion ou à la destitution d’un chef étaient incontestablement subjectifs. Une enquête fut menée dans ce cadre. Les chefs étaient jugés sur base de plusieurs critères, notamment leur degré de culture et d’ouverture à la civilisation européenne, leur origine et leur manière d’assurer le commandement. Les  chefs ayant bénéficié d’une certaine instruction à l’école des Allemands ou ayant fréquenté les écoles officielles mises en place par les Belges dès le début de leur mandat étaient considérés comme bons.

Les autorités attachées aux pratiques rituelles traditionnelles, qualifiées de païennes et incompatibles avec la civilisation européenne furent disqualifiés.

Photo ci-contre montre le Résident Ryckmans avec les chefs locaux.
     

Les critères qui ont prévalu dans le choix des chefs furent incontestablement l’origine et l’aptitude à commander. De ce point de vue, il faut préciser que les préjugés des autorités belges concernant l’aptitude innée des Baganwa et des Batutsi à commander et, au contraire, la tendance naturelle des Bahutu à se laisser dominer furent fatales à la participation des Bahutu au pouvoir.

Ces préjugés étaient consignés dans les rapports administratifs des agents belges tel celui de J.M Detscheid, Administrateur Territorial à Bururi en 1929,

qui affirme : « Il est certains que les Batutsi sont plus intelligents, également indifférents, plus brutaux et plus énergiques que les Bahutu ;leur autorité vient beaucoup de ces qualités et même de ces défauts...Placer un Muhutu ‘’intelligent’’ à la tête d’une chefferie est toujours risqué d’avance. » Gahama p.81. Pierre Ryckmans, Résident de l’Urundi renchérit : « Les Batusi étaient destines à régner, leur prestance leur assure déjà, sur les races inférieures qui les entourent, un prestige considérable ; leurs qualités et même leurs défauts les rehaussent encore(...). Ils sont d’une extrême finesse, jugent les gens avec une infaillible sûreté, se meuvent dans l’intrigue comme dans leur élément naturel. Fiers avec cela, distants, maîtres d’eux-mêmes, se laissant rarement aveuglés par la colère, écartant toute familiarité, insensible à la pitié et d’une conscience que les scrupules ne tourmentent jamais. Rien d’étonnant que les braves Bahutu, moins malins, plus simples, se soient laissés asservir sans esquisser un geste de révolte. » Gahama.

Concernant les Baganwa, les Belges estiment que leur affiliation au Roi, auquel tout le peuple reconnaît un pouvoir sacré leur confère une légitimité à laquelle il leur convenait de s’attacher.

Commencée en 1929 et achevée en 1945, la réforme administrative basées sur les critères et préjugés que nous venons de voir, aura comme conséquence un bouleversement profond du paysage politique burundais , une réduction remarquable du nombre de chefferies, un net renforcement du pouvoir des Baganwa et surtout une éviction totale des chefs d’origine Hutu, un fait qui servira de trame de fond  dans la genèse mais surtout le développement et l’entretien du conflit ethnique consécutif à l’accession du pays à l’indépendance en 1962.

Le tableau ci-dessous résume le résultat de la réforme administrative de 1929 (Source Gahama):

La structure administrative ainsi mise en place restera inchangée jusqu’à la veille de l’indépendance. En effet, la Belgique supprimera les chefferies, entités politiques aussi vielles que le Royaume du Burundi, le 22 septembre 1960, pour les remplacer par des provinces. Les chefs seront purement et simplement mis à la retraite au profit d’administrateurs provinciaux recrutés par l’administration belge.

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